Le microbiome: le monde caché en nous et son importance lors de la spondylarthrite

Lors de la spondylarthrite ankylosante, beaucoup de chemins mènent à l’intestin. Il est possible que la population bactérienne saine soit déséquilibrée chez les personnes concernées. Mais le microbiome peut être influencé par un mode de vie sain.

Pr Mark Asquith, Oregon Health and Science University, Portland, USA

17 juin 2019

La spondylarthrite ankylosante reste une maladie mystérieuse que des groupes de recherche comme le nôtre tentent de déchiffrer. Le traitement de cette maladie peut être extrêmement coûteux, peut avoir des effets secondaires indésirables et peut être peu efficace chez certains patients. Il est donc urgent d’étudier de plus près les causes de cette maladie et de trouver de nouvelles stratégies de traitement pour mieux traiter, voire guérir, cette maladie invalidante.

Nos recherches se concentrent sur un nouveau domaine de la recherche sur la spondylarthrite: sur le microbiome. Le microbiome désigne les billions de bactéries qui colonisent normalement le corps humain et qui vivent principalement dans l’intestin. Il y a effectivement au moins autant de cellules microbiennes dans notre corps que de cellules humaines. Nous ne sommes donc pour ainsi dire humains qu’à 50 % au maximum!

Nouvelle signification de l’intestin

Cette partie de notre corps pas encore assez explorée a une importance remarquable pour un grand nombre de maladies inflammatoires telles que les maladies rhumatismales inflammatoires, les maladies inflammatoires de l’intestin, la sclérose en plaques, les maladies cardiovasculaires, certains cancers et même des maladies psychiques comme l’autisme et les dépressions.

Le fait que le microbiome soit aujourd’hui associé à tant de maladies est en partie dû à une nouvelle compréhension de notre système immunitaire, la partie la plus importante de notre capacité à combattre les infections et à détruire les cellules dangereuses de notre corps comme les cellules cancéreuses. C’est aussi le système immunitaire que nous essayons de renforcer lorsque nous nous faisons vacciner ou que nous faisons vacciner nos proches. Lorsqu’on regarde des manuels scolaires qui n’ont que cinq ans, des organes tels que la glande thymus, la rate, les ganglions lymphatiques ou la moelle osseuse étaient considérés comme les parties les plus importantes du système immunitaire. Bien que ces organes continuent sans aucun doute d’être des éléments clés de notre système immunitaire, notre intestin est aujourd’hui considéré comme la partie la plus importante de notre système immunitaire.

Cellules immunitaires en migration

Cela soulève la question suivante: pourquoi enseignons-nous entretemps à nos étudiants en médecine que l’intestin est un élément si important de notre système immunitaire?

Premièrement, l’intestin contient plus de globules blancs (les principales cellules immunitaires de notre corps) que tout autre tissu de notre corps.

Deuxièmement, notre intestin est exposé à plus de matières étrangères que toute autre partie du corps, par exemple aux bactéries omniprésentes dans notre nourriture, sur nos animaux domestiques ou dans la saleté. Ceci inclut aussi l’aliment lui-même, qui peut être reconnu comme «étranger» par le système immunitaire. Notre énorme système immunitaire intestinal est donc constamment confronté à la tâche difficile de soit repousser une infection ou de s’éteindre pour ne pas déclencher une réaction inflammatoire contre des bactéries inoffensives ou une nourriture quotidienne.

Troisièmement, nous savons aujourd’hui que les cellules immunitaires de l’intestin se comportent comme les saumons, les oies ou les buffles: elles sont en constante migration. Cela signifie que des cellules immunitaires créées ou activées dans l’intestin peuvent migrer vers d’autres tissus de notre corps. La colonne vertébrale ou les articulations de patients spondylarthritiques peuvent également être des destinations migratoires. Il est donc possible qu’elles contribuent à l’inflammation à ces endroits.

«Bonnes» et «mauvaises» bactéries

Il est important de souligner que la grande majorité des microbes qui colonisent normalement notre corps sont inoffensifs et jouent même un rôle important pour notre santé et notre bien-être. Cela comprend la digestion de nombreux composants alimentaires, l’apport de vitamines et leur contribution au développement normal du système immunitaire.

Il est cependant possible que cette population bactérienne saine soit déséquilibrée chez les patients atteints de spondylarthrite ankylosante, avec une perte de bactéries utiles ou inoffensives et une augmentation de bactéries pathogènes. Cet état perturbé du microbiome est appelé «dysbiose» dans la terminologie technique. De plus, on sait que la majorité des patients spondylarthritiques souffrent d’une forme quelconque d’inflammation intestinale.

L’influence est possible

Lors de la spondylarthrite ankylosante, de nombreux chemins mènent donc à l’intestin. Malheureusement, nous ne savons pas quelles espèces de bactéries sont utiles pour notre santé et quelles bactéries sont coupables de déclencher les processus inflammatoires entraînant la spondylarthrite ankylosante. Nous ne comprenons pas non plus pourquoi une dysbiose se développe justement chez les patients atteints de spondylarthrite ankylosante. Toutes ces questions sont nouvelles et nous les étudions dans notre institut. Une chance particulière est celle que notre microbiome – contrairement à nos propres cellules – peut être influencé par des changements de style de vie (par exemple des changements dans l’alimentation) et l’apport de prébiotiques et de probiotiques. Peut-être pouvons-nous ainsi rétablir l’équilibre du microbiome chez les patients atteints de spondylarthrite ankylosante et réduire les processus inflammatoires déclenchés par le système immunitaire.

Traduction d’un article paru dans «Spondylitis Plus» (revue destinée aux membres de la Société de la spondylarthrite des USA) édition hiver 2017/printemps 2018. Source: «Morbus-Bechterew-Journal» No155/Décembre 2018